Demandeurs d’asile somaliens en errance à Rennes

Faute d’être hébergés par les pouvoirs publics, une vingtaine de demandeurs d’asile somaliens cherchent refuge de squat en squat, accompagnés par des soutiens militants locaux.


Sur le site Un toit c’est un droit, de Rennes :  Les demandeurs d’asile somaliens, expulsés du squat de Thorigné, sont relogés

« Mercredi 10 juin, 8h. L’huissier passe au squat de Thorigné-Fouillard annoncer à ses occupants que la gendarmerie arrive à 9h pour les expulser.
Ce n’est pas une surprise. Comme 4 autres lieux, ce squat est en sursis depuis la fin de la trêve hivernale. Ouvert depuis le 13 mai 2011, il a vu se succéder des dizaines de Somaliens et quelques Géorgiens qui ont cohabité pendant 4 années. Il restait 18 demandeurs d’asile somaliens quand la maréchaussée est arrivée mercredi.
La durée de vie d’un squat excède rarement plus d’un an. La commune de Thorigné-Fouillard a été accueillante et tolérante envers ce lieu : remplissage de la cuve de fuel, distribution alimentaire…On ne peut donc pas lui reprocher d’avoir demander l’évacuation de cette maison, propriété de Rennes Métropole, après 4 années de présence sur son territoire. Cependant on peut regretter qu’aucune négociation ait eu lieu préalablement avec la préfecture  pour trouver des solutions de relogement. Rien de prévu, pas même une nuit d’hôtel ! Pour la première fois, aucun représentant de l’Etat était présent lors de l’expulsion.
Les 18 Somaliens se sont donc retrouvés à la rue avec leurs maigres bagages. Accompagnés par « Un toit, c’est un droit », ils se sont rendus à la préfecture où un rassemblement de soutien avait lieu contre l’expulsion d’une famille mongole, puis ils ont rejoint la place de la Mairie où une seconde action était prévue pour dénoncer les conditions de scolarisation des enfants de migrants.
En fin de journée, le groupe s’est réfugié au « 40 m cube », un squat abandonné par ses occupants, dont l’expulsion est déjà prononcée. Une nuit au chaud, mais dès le lendemain matin, la police municipale leur demande de partir.
Après une seconde journée d’errance, la décision est prise d’établir un campement de fortune en centre-ville de Rennes pour alerter les pouvoirs publics sur la situation de ces jeunes hommes, exclus de tous les dispositifs d’accueil, comme tous les migrants célibataires. Des tentes sont dressées devant le théâtre du Vieux St Etienne. Les Rapidement la solidarité s’organise, malgré des conditions très précaires et une météo difficile…
Dès le lendemain, des négociations sont engagées avec la Ville de Rennes, qui renvoie vers la préfecture.

Samedi 13 juin, après deux nuits au cœur du centre-ville de Rennes, les services de l’État se déplacent sur le campement et demandent à tous les Somaliens de se présenter à la PADA (plate-forme d’accueil des demandeurs d’asile) pour leur faire des propositions de relogement selon leur situation administrative. La préfecture semble découvrir qu’ils sont tous demandeurs d’asile, soit en cours de procédure, soit dans l’attente d’une convocation au service asile pour entamer leurs démarches. Le soir même, ils sont tous relogés via le 115, majoritairement dans des hôtels, le représentant de la DDCSPP s’engageant à ce que ce dispositif soit pérenne. Le campement est démonté.
Nous pouvons nous réjouir de cette issue positive, mais nous déplorons le manque d’anticipation des services de l’État, alors que nous n’avons cessé d’alerter depuis des semaines sur l’expulsion programmée des squats. Cette situation risque donc de se reproduire dans les jours à venir et nous n’hésiterons pas à réinstaller un nouveau campement si nécessaire… »

29 juin 2015
Après 15 jours de mises à l’abri, les Somaliens expulsés du squat de Thorigné ont été remis à la rue aujourd’hui.
Selon la DDCSPP, « ils ne font pas partie du public vulnérable », autrement dit ils peuvent dormir dehors !
Devant le peu de force militante et le manque  de matériel de camping, les Somaliens vont dormir cette première nuit à la belle étoile sur les pelouses du théâtre du Vieux St Étienne.
Merci à tous ceux qui pourront leur apporter de l’eau et quelques denrées alimentaires à partir de 22h.

3 juillet 2015
L’actualité évolue vite… Le campement vient d’être expulsé par la PAF,     le matériel a été embarqué par les services de la Ville de Rennes et un Somalien a été arrêté.

6 juillet 2015
Après avoir été expulsés manu militari du campement de fortune réinstallé lundi dernier au Vieux St Étienne, les demandeurs d’asile somaliens ont été hébergés ce week-end par le maire de Chartres de Bzh qui n’a pas hésité à leur ouvrir une salle municipale.
Ce matin l’évacuation du campement et ses conséquences ont été évoquées lors d’une réunion inter-associations qui s’est tenue à la mairie de Rennes.
Aucune solution ne s’est dégagé des débats.  La Ville de Rennes renvoie la responsabilité de hébergement des demandeurs d’asile à l’État en précisant qu’ « aucun campement ne sera toléré cet été à Rennes »…
Malgré cette menace, les migrants et leurs soutiens ont donc décidé de rétablir un campement, à proximité du camping des Gayeulles, sur le terrain de foot.

18 août 2015. La Ville de Rennes demande l’expulsion du campement des Gayeulles
Plus personne ne peut désormais faire seulement semblant d’ignorer la situation catastrophique que vivent les migrants, et, avec un peu d’efforts, on arrive même à en analyser les causes et la part de l’Occident. Pourtant, au nez de ceux qui réchappent de la traversée mortifère des Sud, de la route éreintante et dangereuse des Balkans, des divers culs-de-sac et impasses hérissées de murs et d’obstacles, les portes de l’Europe entière claquent. De Calais à Vintimille en passant par Paris, la France s’arcboute sur une diagonale du refus et de l’exclusion qui traverse aussi Rennes. Ici, le CRA se remplit et se vide au rythme d’arrivées nombreuses et tardives, de formalités expédiées dans l’urgence et de migrants expulsés sans délais. Un désespéré  s’est mutilé, mais pour ceux dont la mutilation est juste mentale et qui se taisent à l’unisson, il est important de récapituler les derniers faits d’été qui déshonorent la capitale bretonne.
Rappels:
> 10 juin 2015 : Le squat de Thorigné-Fouillard est évacué laissant une vingtaine de demandeurs d’asile somaliens sans solution de relogement. Ils passent leur première nuit d’errance au « 40 m cube», un squat désaffecté d’où ils sont chassés dès le lendemain matin.
> 11 juin 2015 : Un camp de fortune est dressé dans l’urgence au cœur de Rennes devant le théâtre du Vieux Saint Etienne.
> 13 juin 2015 : Les demandeurs d’asile somaliens sont tous relogés dans le dispositif hôtelier par les services de l’Etat, pour une durée indéterminée…  Après 15 jours de mise à l’abri, ils sont remis à la rue.
> 29 juin 2015 : Nouveau camp de fortune dressé devant le théâtre du Vieux Saint Etienne.
> 3 juillet 2015 : La police évacue manu militari le campement et confisque le matériel.
Les demandeurs d’asile somaliens tentent alors d’investir un squat à Chartres de Bretagne où quelques compatriotes ont trouvé refuge depuis avril 2015, mais la gendarmerie s’y oppose. Philippe Bonnin, maire de Chartres de Bretagne, leur ouvre une salle municipale pour les accueillir durant le week-end.
> 6 juillet 2015 : Après des négociations infructueuses avec la Ville de Rennes et la préfecture, un nouveau campement est implanté dans le parc des Gayeulles.

28 août 2015
« Un toit, c’est un droit » propose un pique-nique/ barbecue solidaire sur le campement des Gayeulles vendredi 28 août  à partir de 19h.

30 août 2015
La réponse de la préfecture à France 3 Bretagne

À Rennes, depuis le début de l’été, une vingtaine de demandeurs d’asile somaliens est sans solution de logement. Ils campent sur un terrain de sport de la ville qui a demandé leur expulsion devant le tribunal administratif. La Préfecture, a transmis une réponse écrite à notre demande d’information..

Il y a quelques jours nous évoquions à nouveau la situation de migrants d’origine somalienne, qui campent sur un terrain de sport de la ville de Rennes. Ce sont tous de jeunes célibataires sans enfants et qui ne rentrent pas dans les critères de vulnérabilité de la Préfecture pour un hébergement d’urgence. Au moment du reportage, la Préfecture et la ville, celle-ci a entamé une procédure d’expulsion, n’ont pas souhaité nous répondre. La Préfecture d’Ille-et-Vilaine nous a transmis depuis une réponse écrite.

Comment se fait-il que des demandeurs d’asile campent sur un terrain de sport à Rennes ?

Sur l’explication d’une telle situation, une vingtaine de jeunes Somaliens, ayant fui l’Islam radical dans leur pays, et campant sur le terrain des sports des Gayeulles à Rennes, la Préfecture répond qu’il n’y a pas de réponse globale, que le traitement est individuel. Chaque demandeur d’asile doit s’inscrire dans un parcours, qui passe par la plate-forme des demandeurs d’asile, une réception en préfecture dans les 3 jours avec l’étude de chaque dossier. Et s’ils ne peuvent être officiellement identifiés, parce qu’ils ont effacé leur empreinte digitale, ils font alors l’objet d’une procédure prioritaire pour fraude. Procédure, qui prive les intéressés de toute possibilité d’hébergement en centre d’accueil des demandeurs d’asile (CADA). La loi n’instaure pas de droit inconditionnel au logement.

À noter que les migrants effacent assez couramment leurs empreintes sur les conseils des passeurs. Les empreintes ne sont pas forcément brûlées, mais plutôt poncées ou attaquées avec du ciment comme cela arrive aux ouvriers du bâtiment. L’objectif étant d’empêcher provisoirement le relevé d’empreintes dans le premier Pays d’Europe où ils posent le pied. Car ils veulent obtenir l’asile politique en Allemagne, en Angleterre ou en France mais selon la règle communautaire, ils risquent d’être renvoyé dans le premier pays où ils ont été fichés.

Les structures d’hébergement existantes sont-elles saturées ?

À cette question la Préfecture précise le nombre de places d’hébergement dans le département et le budget, qui y est consacré. Soit 239 places en hébergement d’urgence pour un budget de 2 millions d’euros ​, et 412 places en centre d’hébergement et de réadaptation sociale (CHRS), pour 7,7 millions d’euros. Mais surtout  elle confirme que « Dans ce cas précis il s’agit d’un problème de droit et non d’un problème de saturation des hébergements ».
Et elle ajoute que les services de l’État, ont pour
stricte mission de faire respecter le droit positif, et que la Préfecture agit sous le contrôle de juge administratif, du juge judiciaire.

Quel  type de solution pourrait être imaginé ?

Pour ce qui est des solutions, pas de demi-mesure. Si les personnes concernées s’inscrivent dans le parcours des demandeurs d’asile, leur identité vérifiable, alors la procédure pourra suivre son cours et leurs droits seront examinés individuellement en fonction de leur vulnérabilité. Et pour les autres, les déboutés du droit d’asile, c’est retour au pays, avec l’aide de l’Office Français de l’Immigration et de l’Intégration.

À noter que le groupe des écologistes de la Ville de Rennes s’est désolidarisé de la demande d’expulsion de la ville de Rennes.
Le jugement du Tribunal administratif est attendu le 4 septembre.

juin-août 2015
Sources : Un toit c’est un droit
FR3 Bretagne

Suite et fin de cet épisode (mais pas de l’errance)