Trouble à l’ordre public vs destruction familiale

J., ressortissante nigériane, vivait en France depuis 11 ans; mère d’une enfant française âgée de 6 ans, elle a été expulsée le 19 janvier 2015. Dernière étape suivie par des soutiens locaux qui de sont mobilisés, en vain.

J. avait obtenu un titre de séjour en 2009 en qualité de parent d’enfant français ; son titre de séjour mais n’a pas été renouvelé. En cause, un délit pour lequel elle a été condamnée à une peine de prison et une interdiction définitive du territoire français (ITF). La fillette a été placée en famille d’accueil depuis l’incarcération de sa mère en 2010 (plus de contact avec le père). La mère  a toujours maintenu des liens avec sa fille. Le maintien des liens avait été décidé par le juge des enfants, qui l’autorisait à voir sa fille une fois par mois au centre pénitentiaire. J. était accompagnée dans un parcours de réinsertion qui avait pour finalité de reconstituer la cellule familiale avec sa fille. A sa sortie de détention, J. était prise en charge pour son hébergement et sa réinsertion par une structure spécialisée dans l’Essonne.
30 décembre 2014. A sa levée d’écrou, le préfet de Seine-et-Marne l’a placée en rétention. J. a contesté l’arrêté d’expulsion et sa mise en rétention devant le Tribunal Administratif de Melun.
2 janvier 2015. Le juge administratif rejette son recours : « C’est un rejet », sans plus d’explications. Pourtant l’avocate de permanence avait bien argumenté : temps de détention fait et donc dette envers la société payée,  liens avec sa fille maintenus et même consolidés pendant la détention, le fait que l’enfant n’a que sa maman comme parent présent, tout le travail de formation et les projets de réinsertion, et du coup la possibilité de demander avec des chances de succès le relèvement de son ITF. Elle demande une assignation à résidence.

L’opinion du juge était visiblement faite à l’avance : il y a eu trouble à l’ordre public, pas de pardon. La double peine, en somme. Comme à la fin il a donné la parole à J. qui a fondu en larmes, il lui a juste dit que ses « manifestations de larmes étaient superflues ».

4 janvier 2015. Le juge des libertés et de la détention (JLD) a maintenu J. en rétention. La décision est maintenue en appel.
5 janvier 2015. J. est présentée à 13h à l’ambassade de Nigeria pour la délivrance d’un laissez-passer consulaire, nécessaire pour pouvoir reconduire à la frontière de son pays d’origine une personne dénuée de passeport.
19 janvier 2015. Un vol était affiché depuis quelques jours pour aujourd’hui mais en l’absence de laissez-passer consulaire, nous pensions qu’il s’agissait d’un vol prévisionnel. J. a été prévenue tôt le matin que les escortes viendraient la chercher à 8h30 pour l’emmener à l’aéroport. Un vol pour Abuja est prévu à 11h00.
Pourquoi mettre à mal tous les efforts entrepris pour maintenir une relation mère-enfant ? Le ministre, la préfecture font fi de tout cela, malgré la mobilisation en soutien à J. et les multiples interpellations…
19 janvier 2015. Je viens d’avoir un des chefs du CRA qui confirme l’expulsion de J., « tout s’est bien déroulé », la seule inquiétude de J., selon lui, était de savoir si elle allait payer les kilos excédentaires. Comment peut-on rire d’une telle situation ? L’ASE devait présenter ce matin la gamine à sa mère pour lui dire au revoir mais arrivée trop tard, à 10h10 au CRA, J. était déjà dans l’avion….
La prochaine rencontre mensuelle entre mère et fille était  programmée pour le 31 janvier 2015.