Un citoyen français en rétention

La préfecture de Seine Saint Denis invente la « rétention préventive » : cet homme n’avait pas ses papiers d’identité sur lui, c’était forcément un étranger sans papiers…K. est né à Tizi-Ouzou (Algérie) en 1970 et a obtenu la nationalité française dans les années 2000. Il a vécu dix ans en Espagne puis a déménagé à Londres où il a vécu pendant deux ans. Il a renouvelé ses papiers d’identité régulièrement en se présentant au consulat français. Par la suite, il se rend en Suisse et en Autriche où il réside un certain temps. En Autriche, il sollicite à plusieurs reprises l’aide des services consulaires français pour renouveler sa carte nationale d’identité.

De passage en France, K. perd ses papiers d’identité. Il souhaite donc se rendre en Suisse où il a laissé des documents attestant de son identité et de sa nationalité. Le 15 janvier 2015, K. prend l’avion à l’aéroport de Paris Charles-de-Gaule à destination de Zürich. Dépourvu de documents d’identité,  la Suisse le refoule vers la France.

De retour à l’aéroport de Paris Charles-de-Gaulle, sur le territoire français, dans le pays dont il a la nationalité, Kamal est privé de liberté en retenue administrative, une mesure dédiée aux personnes étrangères. « Vérification d’identité et du droit au séjour ». À la suite d’une audition bâclée, la préfecture de la Seine-Saint-Denis notifie à K. une obligation de quitter le territoire français « à destination de son pays d’origine » ainsi qu’un placement en centre de rétention administrative (CRA) dans l’attente de l’expulsion.

Dans l’après-midi, K. est transféré au CRA du Mesnil-Amelot n°2 où il arrive à 17h. Le procès verbal de transfert précise qu’il est « exité » (sic) et « s’est tapé la tête contre un mur ». Personne ne veut l’écouter… on lui dit qu’il faut attendre La Cimade le lendemain.

Le 16 janvier 2015 à 10h, K. vient nous voir : « Bonjour monsieur, j’ai besoin de votre aide, il y a eu une grosse erreur administrative : je suis français. Je suis divorcé et je n’ai personne pour m’amener mes papiers, mais il doit bien y avoir une solution ! » Nous discutons et K. me dit que la dernière fois qu’il a renouvelé sa carte nationale d’identité, c’était au consulat de France à Vienne. J’appelle le consulat et je suis mis en contact immédiatement avec le service de l’État civil. En quelques secondes, la personne du consulat que j’ai au bout du fil retrouve le dossier de K. : « Oui, oui, ce monsieur est français. » Je lui demande si elle peut m’aider en contactant le service des étrangers de la préfecture de la Seine-Saint-Denis. Elle me répond : « Oui bien sûr, j’en parle à mon responsable et je les contacte immédiatement, mais… toutes les préfectures ont accès aux mêmes bases de données que moi donc je ne comprends pas très bien… » – « Nous non plus ! »

Peu de temps après, K. revient nous voir, tout content : « Monsieur ! C’est bon je crois, je vais être mis en liberté ! » En effet, à 11h30, la préfecture de la Seine-Saint-Denis a abrogé l’obligation de quitter le territoire français ainsi que le placement en rétention administrative. Ainsi, après 19h35 d’enfermement illégal, K.  est remis en liberté.

En tant qu’intervenant de La Cimade en rétention, je n’ai accès à aucune base de données de l’Administration française. Cependant, en un appel au consulat français de Vienne et après moins de trois minutes de discussion, la nationalité française de Kamal était confirmée.

Un placement en rétention administrative doit être motivé par un examen personnel de la situation de l’intéressé. En réalisant cet examen après le placement en rétention, la préfecture invente la « rétention préventive » : selon la préfecture de la Seine-Saint-Denis, si K. n’avait pas ses papiers d’identité sur lui, c’est qu’il devait forcément être un étranger…

20 janvier 2015

Source : La Cimade