La loi et la justice impuissantes à protéger des mineurs sans famille?

Un conseil départemental (élu au suffrage universel) affiche son incapacité à exercer son devoir de protection des mineurs isolés. Suivi au jour le jour d’un bras de fer avec le conseil départemental.

Depuis fin juillet 2015, nous avons rencontré plusieurs mineurs à La Cimade pour qui :
– suite à une saisine du parquet par le commissariat, une ordonnance de mise à l’abri a été prononcée par le parquet,
– le conseil départemental a refusé la prise en charge ainsi ordonnée.

Des avocats ont saisi le tribunal administratif en urgence (référé liberté). Le juge des référés a rendu des ordonnances faisant injonction au conseil départemental de les héberger le temps de la détermination de l’âge (ordonnances rendues vendredi dernier en fin de journée).
Pendant le week-end, les avocats ont appris que le conseil départemental n’avait pas l’intention d’obtempérer ; ils ont saisi le président du tribunal administratif en exécution des ordonnances du juge des référés, en demandant qu’une astreinte soit prononcée à l’encontre du conseil départemental par jour de retard ;
la décision du président du tribunal administratif devrait intervenir d’ici demain, 4 août.
Pendant ce temps, les jeunes dorment dans un squat à Nantes.
Il s’agit en plein milieu de l’été d’un échelon supplémentaire franchi par le conseil départemental dans son refus d’appliquer la loi – et deux décisions de justice, celles du  parquet et tribunal administratif – et son mépris pour la détresse des jeunes concernés.

3 août 2015
Source : La Cimade Nantes
Lire l’article de Presse Océan

Un conflit similaire s’est produit en 2013 à Angers. Les jeunes, soutenus, là aussi, par La Cimade ont dû porter plainte au pénal auprès du procureur contre le président du conseil général pour délaissement de mineur, pour que tout rentre dans l’ordre et que les intéressés soient pris en charge par l’ASE.

Source : RESF 49

6 août 2015
Interrogé par Presse Océan, un représentant du conseil départemental justifie sa position :

« Embarras et impuissance. Depuis une semaine, le Département de Loire-Atlantique essuie gifle sur gifle devant le tribunal administratif de Nantes. La collectivité n’assure plus la mission qui lui incombe, au titre de la protection de l’enfance, de mise à l’abri – au moins provisoire – des très jeunes migrants qui arrivent à Nantes. Les injonctions répétées de la justice n’y changent rien.
La Loire-Atlantique invoque la saturation de ses services, en l’occurrence ceux du Conseil départemental Enfance et familles (CDEF). Le parquet des mineurs confirme un afflux « exponentiel » mais estime qu’il y a « danger à laisser ces jeunes en situation d’errance ». D’où les ordonnances de placement provisoire de jeunes (d’une durée de six mois) qui viennent d’être notifiées à la collectivité.

« Restructuration » dans l’air
« Nous ne sommes pas dans une posture de refus, affirme Franck Périnet, directeur général des services du Département. Les moyens que l’on déploie sont considérables et représentent un budget de 10 millions d’euros. On a accueilli 107 nouveaux mineurs étrangers depuis le début de l’année*, ce qui porte à 265 le nombre de jeunes que l’on suit. Ce chiffre a doublé en deux ans. Toutes les places d’accueil sont remplies. »
Aucune solution miracle en vue. « Ce qu’il faut, c’est commencer par évaluer la situation sociale des jeunes, leur parcours, vérifier qu’ils sont mineurs », avance Franck Périnet. Sauf que la loi stipule que ce travail doit intervenir après la mise à l’abri du jeune. C’est donc l’impasse »

* (site Aiaia) Interrogés sur la raison de leur venue à Nantes, plusieurs jeunes venus d’Afrique ou d’Asie expliquent qu’une fois à Paris, leurs passeurs les ont aiguillés sur Nantes, leur affirmant que leur prise en charge y serait plus facile. Il est vrai qu’à Paris la situation est dramatique depuis des années.

7 août 2015.
Le tribunal administratif de Nantes a une fois de plus donné tort au conseil départemental, qui refuse d’héberger la plupart des migrants mineurs arrivés fin juillet.
Et de huit. Ce vendredi matin, deux jeunes Maliens dirigés vers Nantes par des passeurs étaient devant le tribunal administratif de Nantes pour exiger du conseil départemental que celui-ci assure leur hébergement.
Six autres adolescents à la rue les avaient précédés. Ces huit jeunes gens sont en réalité soutenus et accompagnés par leurs avocats, Amandine Le Roy et Yann Chaumette, et par la Cimade. Totalement perdus, ils survivent dans des squats, et suivent avec peine le bras de fer judiciaire dont ils sont l’enjeu.
La loi impose aux départements de mettre ces mineurs isolés étrangers à l’abri des périls de la rue, de les héberger et de les nourrir. Las. Confronté au flux toujours croissant de ces adolescents (51 en 2011, 265 aujourd’hui en Loire-Atlantique), le Département a cessé la prise en charge des nouveaux arrivants, depuis la fin juillet. L’État finance pourtant les cinq premiers jours d’accueil de chacun d’eux, à hauteur de 250 € par jour. Mais il n’y a pas eu de places dans les hôtels ces jours-ci, argue-t-on au conseil départemental. Faux, rétorque Amandine Le Roy, qui a consulté les sites de réservation.
« Nous avons accueilli deux mineurs isolés étrangers cette semaine », a assuré Emmanuel Cheneval, l’avocat du département, ce vendredi matin, devant le tribunal administratif de Nantes.
Très insuffisant, a décidé ce vendredi le tribunal administratif. Il a enjoint le Département à héberger les deux adolescents maliens, sous peine d’une astreinte de 100 € par jour de retard.               Source : Ouest France

13 août 2015. Un match de foot :  mineurs isolés contre « conseil départemental »
Deux équipes : l’une représentant les jeunes migrants, l’autre le conseil départemental, des dossards à l’effigie de la collectivité dans le dos, symbole du bras de fer qui se joue actuellement. Et le match de foot a commencé, tout en glissade sur la pelouse humide du carré Feydeau dans le centre de Nantes.
Organisé par la Cimade, cet événement est l’occasion pour la dizaine de mineurs étrangers accueillis en ce moment dans la structure de « se défouler et de lâcher prise », « on allie plaisir pour eux et utilité pour nous ».
Car au-delà de ce moment de répit dans leur quotidien, cette action est une façon pour la Cimade « de se faire entendre sans forcément taper du poing ».               Source : Ouest France

18 août 2015
Nouvelle audience pour des mineurs au Tribunal administratif ce matin à 10h30. Elle concerne deux jeunes, qui seront les 11e et 12e à passer depuis le 31 juillet. Pour les quatre derniers, il y a eu, en plus de l’injonction au Conseil départemental à héberger, une astreinte de 100 euros par jour de retard, sans effet : il n’y a toujours que deux mineurs pris en charge.

24 août 2015
Nous en sommes à 15 audiences au TA, toutes gagnées ;
le Département change un peu son fusil d’épaule : depuis l’audience de vendredi dernier où le juge des référés a durci le ton, le CD tente de trouver une place pour une mise à l’abri avant l’audience :
à titre d’exemple, pour 2 jeunes qui devaient passer au TA demain, une prise en charge vient d’être adressée à leur avocate.
Sur les 15 déjà passés au TA, 10 ont été pris en charge par le CD (4 jeudi dernier, 3 vendredi et 1 ce matin) ;
il reste donc 5 jeunes à la rue.
Pour info, suite au courrier d’interpellation que nous avons adressé au président du CD en début de semaine dernière avec Médecins du Monde, nous (ndlr. Des membres de La Cimade et de Médecins du monde) allons à un rendez-vous à l’Hôtel du Département demain midi  rencontrer le président du CD, la vice-présidente à la protection de l’enfance et les services (on vous racontera !).
Ce rendez-vous comme la manifestation de demain soir devant le conseil départemental sont annoncés dans Presse Océan.
A suivre…
Et à demain pour la manif !

Source : La Cimade

 25 août 2015
Les nouvelles depuis hier :
– un bon papier dans Ouest France du jour
– un rendez-vous avec Philippe Grosvalet (président du Conseil départemental)
– une EXCELLENTE nouvelle à l’issue de ce rendez-vous : les 5 derniers mineurs qui dormaient dans les squats sont ce soir dans des hôtels

Néanmoins, un communiqué de presse MDM-Cimade sera en ligne demain pour éviter toute instrumentalisation de nos organisations, et si la bataille de la mise à l’abri de ces 17 jeunes est gagnée, le combat de fond pour leur prise en charge de qualité est devant nous : c’était l’esprit du rassemblement de ce soir : voir Presse Océan et la télévision locale  (entre 4:00 et 5:36).

Source : La Cimade/Nantes

 26 août 2015

Communiqué de presse – Nantes, le 26 août 2015

Rencontre de nos organisations avec le Président du Conseil départemental de Loire-Atlantique

Médecins du Monde et la Cimade ont été reçus hier au Conseil départemental au sujet de la situation des mineurs isolés étrangers.
Le Conseil départemental affirme que le dispositif de protection de l’enfance de Loire-Atlantique est saturé, ce, en raison du manque d’implication de l’ensemble des acteurs concernés par le système de répartition dans la prise en charge des jeunes (parquet, départements).
Le Conseil Départemental dit rechercher des solutions politiques, locales et nationales, à moyen terme.
Si de telles solutions sont nécessaires, le dysfonctionnement du dispositif ne justifie en rien le fait de laisser des mineurs errer dans les rues de Nantes, sans hébergement ni nourriture.
Nous rappelons que la protection de tout mineur dans le cadre de l’aide sociale à l’enfance est une compétence donnée au Département par la loi.
A l’issue de notre rencontre, nous apprenons que les 5 derniers mineurs isolés sans solution sont enfin hébergés à l’hôtel.
Il aura fallu un bras de fer juridique et politique et la mobilisation des associations pendant un mois pour que le Conseil départemental respecte la première de ses obligations en matière de protection de l’enfance.
Nous attendons toujours l’engagement du département qu’il n’y aura pas d’autres refus de mise à l’abri et restons vigilants à ce qu’aucun mineur ne soit livré à lui-même.

Source : Médecins du Monde
et La Cimade/Nantes