Arriver seul en France à 16 ans, et puis?

Mali, Maroc, Melilla, Espagne puis, à 16 ans,  la France, avec son administration, sa justice, sa police, mais aussi ses collectifs d’accueil et de soutien.

Nous avons connu F., jeune Malien de 16 ans, à notre permanence de mai 2015 alors qu’il avait été mis à la rue en avril après deux mois d’hôtel.

Il était arrivé  en France par l’Espagne en février après avoir sauté par dessus la barrière  de Melilla, et être resté cinq mois dans un centre pour enfants en Espagne. Malgré l’acte de naissance qu’il avait présenté. le Parquet n’avait pas pris d’ordonnance de placement suite aux doutes émis par sa minorité à son accueil à la Méomie (Mission d’évaluation et d’orientation des mineurs isolés étrangers). F. avait saisi le juge des enfants  avec une avocate  ; il était en attente de l’audience.

Depuis, sa situation a  évolué.  Par une ordonnance du 27 mai 2015, la juge des enfants a jugé qu’elle n’avait pas les moyens de remettre en cause l’acte de naissance, et que l’ASE devait le prendre en charge.
Mais elle n’a ordonné un placement que pour quatre mois et elle a décidé parallèlement d’envoyer la procédure au Parquet pour des investigations sur l’authenticité de l’acte de naissance et « toutes mesures utiles pour confirmer ou infirmer sa minorité ».

La suspicion sur les actes d’état civil étrangers, les juges censés protéger le mineurs en sont eux-mêmes le relais, même quand ils ne possèdent aucun élément permettant de la justifier! Tout jeune migrant doit donc y faire face!

Depuis son placement, F. était en foyer, suivi par une éducatrice qui avait fait les démarches pour préparer sa scolarisation en septembre, et il  se préparait à partir à l’Ambassade du Mali à Paris pour faire sa demande de carte consulaire, de façon à contrer les accusations qui planaient déjà sur lui. Dans ces démarches  pour consolider son état civil, il aurait dû être conseillé et aidé par l’ASE (Aide sociale à l’enfance) censée le protéger. Son éducatrice  a prévenu l’ASE des besoins du jeune, demandé le financement et l’autorisation du voyage à Paris… NIET!

L’ASE, et donc la Métropole, n’ont pas d’argent, paraît-il… Elle préfèrent collaborer avec la police pour livrer des gamins aux enquêtes et au tribunal correctionnel, à la prison et à la rue, et hop ça fera une prise charge de moins à payer!

Résultat : Au lieu du sésame pour partir faire ses démarches à Paris, la MEOMIE fait savoir à F. qu’il est convoqué à la PAF (police aux frontières) ce lundi matin, selon la procédure habituelle. Rendez-vous métro Guichard, et on peut prévoir la suite sur le modèle de tout ce qu’on a déjà connu : audition dite libre au cours de laquelle l’acte de naissance original de F. lui sera pris pour toujours, recherche des traces du passage en Espagne et du moment où il se sera peut-être déclaré majeur,en mentant, pour pouvoir la quitter et venir en France, tests osseux aux résultats probablement rocambolesques, comparution immédiate…

Ils sont plusieurs connus de nous actuellement, pris en otage par l’ASE et interdits de contacter les autorités consulaires de leurs pays, tandis que la menace des tests osseux pèse sur eux.

27 juin 2015

Source : RESF 69