Difficulté pour un ex-mineur protégé par l’aide sociale à l’enfance de décrocher un titre de séjour

Comment la loi sur le séjour des étrangers tend aux préfets toutes sortes de perches pour décourager les jeunes majeurs formés en France dans leur démarche de régularisation.

Le Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) stipule  que « la carte de séjour temporaire portant la mention  » vie privée et familiale  » est délivrée de plein droit (…) à l’étranger dans l’année qui suit son dix-huitième anniversaire ou entrant dans les prévisions de l’article L. 311-3 (ndlr: qui déclarent vouloir exercer une activité professionnelle salariée), qui a été confié, depuis qu’il a atteint au plus l’âge de seize ans, au service de l’aide sociale à l’enfance et sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de la formation, de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d’origine et de l’avis de la structure d’accueil sur l’insertion de cet étranger dans la société française« .
Dans la somme de ces conditions, celle concernant la nature des liens avec la famille restée dans le pays d’origine est suffisamment vague pour laisser place à la créativité des préfectures. Voici deux exemples de pratique de la préfecture de police de Paris (PPP) et une discussion de juillet 2015 entre trois membres du RESF et une syndicaliste, extraite d’un forum spécialisé.

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A., 19 ans, malien, est arrivé en septembre 2011, pris en charge par l’ASE en février 2012, puis Contrat jeune majeur en septembre 2013 jusqu’à fin juillet 2015.
Contrat d’apprentissage de juillet 2013 à juillet 2015.
Vient d’obtenir son CAP restauration.
Accompagné par éducateur du CHRS où il était hébergé, a déposé sa demande de TS en avril 2014 à la PPP.
Le 9e bureau lui a demandé fin octobre 2014 de compléter son dossier par l' »acte certifié de décès » de son père, dont l’obtention auprès des autorités consulaires maliennes à Paris demandait un certain temps. Il l’a fourni en janvier 2015.
Le 15 avril, j’ai demandé par mail au 9e bureau des nouvelles du dossier.
Réponse le 20 avril : « Le dossier est toujours en cours d’insctruction et notamment de vérification des documents fournis auprès du Consulat général de France restée sans réponse à ce jour ». Au téléphone : « c’est le consulat qui doit envoyer quelqu’un à la mairie du lieu du décès pour vérifier les actes » (en l’occurrence, pas à la capitale mais en région…).
J’ai relancé par mail le 16 juillet.
Réponse le 21 juillet : « Une relance a été faire auprès du consulat de France le 27/05/2015, restée sans réponse à ce jour ».
J’ai nettement l’impression que cet échange de mails, cordial, pourrait durer encore des mois, voire des années…
Comment en sortir ?
A., qui était logé en foyer, est en hôtel social depuis janvier, « parce qu’il n’a pas de TS » (dixit l’ASE).
Il a fait une demande de prolongation pour son contrat JM, dont il doit discuter le 31 juillet à l’ASE.
Il a besoin de son TS notament pour la suite de la prise en charge, pour obtenir une place en foyer.
Et pour poursuivre ses études !
Des conseils ? Des idées ? Une solution, peut-être ?

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Z. est à peu près dans la même situation. Demande de TS VPF fin 2013 :on demande les actes de décès de la famille:  » ils seront examinés par nos services ».
Pas de réponse. On redépose une demande de TS salarié en septembre 2014: on obtient un récépissé sans autorisation de travail.
Nous en sommes au 4ème récépissé . Il semble que ce qui bloque c’est que la préfecture demande à son consulat de France à Abidjan de vérifier l’authenticité des actes de décès et qu’il ne se presse pas. Z. est en  2ème année d’apprentissage pour un Brevet professionnel après avoir obtenu son CAP menuiserie. Il a 20 ans, est pris en charge par l’ASE depuis ses 16 ans et a un contrat Jeune majeur jusqu’à septembre 2015. A l’ASE, l’authenticité de ses papiers a été forcémenr vérifiée et le consulat de Cote d’ivoire à Paris a confirmé aussi l’authenticité.
La DIRECCTE demande un CERFA 10186*01 (comme les vrais salariés) mais les renseignements demandés ne correspondent pas du tout à sa situation. On envoie quand même ce cerfa à la préfecture avec le contrat d’apprentissage délivré l’an dernier..
Il n’empêche: tout est bloqué par le consulat de France à Abidjan. Que faire ? Protester au Quai d’Orsay ?

Nous avons écrit plusieurs fois à la préfecture (9ème bureau) ainsi que la juriste du CIDJ que mandate Aurore. Ce n’est que lors de la délivrance du 4ème récépissé, le 30 juin, qu’on nous a dit que l’authentification des documents d’identité (attestation de naissance ou certificats de décès ?) était  confiée au consulat (ou ambassade) de France à Abidjan.
J’ai naguère eu l’occasion de téléphoner à cette ambassade, ils sont très désagréables. Il faudrait passer par une voie hiérarchique genre le Quai d’Orsay. Quelqu’un connaît-il quelqu’un au Quai d’Orsay ? Nous avons sollicité le défenseur des droits qui n’a pas encore accusé-réception.
Z. a déjà rédigé plusieurs attestations sur l’honneur. C’est d’autant plus rageant que ces documents ont forcément plus ou moins été authentifiés lors de l’admission à l’ASE et, à deux reprises, par le consulat de Côte d’Ivoire à Paris qui dit ne pas comprendre ce qui bloque.
Par ailleurs, ces récépissés n’autorisent pas le travail même à titre accessoire. Or Z. est en formation en alternance depuis un an. Il a encore un an à faire. Et maintenant on nous dit qu’il faut passer par la préfecture avant d’aller à la Direccte !! Nous avons envoyé à la préfecture un CERFA 15186*01 sur conseil de la Direccte ainsi que le certificat d’apprentissage qui établit le temps d’apprentissage sur 2 ans. Ce Cerfa n’est pas adapté à la situation d’un apprenti: nous l’avons rempli vaille que vaille.
En plus, sur les deux derniers récépissés il est mentionné que le premier titre de séjour demandé portait la mention visiteur. Je crois que d’autres personnes ont eu cette anomalie et que la préfecture a répondu que c’était une erreur sans importance.
Bref, les obstacles s’accumulent
Je me demande comment tout cela va se terminer.

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Oui la demande d’authentification du certificat de décès est une trouvaille de la préfecture  pour « gagner du temps » et un moyen de nous balader ad vitam.

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Très honnêtement, d’après ce que je lis, je pense que la PPP fait encore sa propre tambouille, histoire de démontrer une fois de plus qu’elle est un « Etat dans l’Etat »: cette histoire de vérification n’a aucun sens pour les raisons que vous invoquez.
D’ailleurs, l’état civil est de la propre responsabilité des Etats, don les représentants en France sont les Consulat. En outre, cela revient aussi à remettre en cause, par les services préfectoraux, le « professionnalisme » des services de l’ASE.
Bref, à part tout compliquer, ça n’a pas de sens…
En outre, l’apprentissage est mis très très en avant par le ministère du travail.
Je ne sais pas si c’est faisable, mais pour les 2 minois et les autres, je contacterais, en tant qu’RESF, les CFA et les assoces qui gèrent les contrats jeune majeur. Je leur proposerais de solliciter une « table ronde » officielle regroupant:
  • la PPP
  • l’UT 75 (service MOE et celui de l’emploi)
  • les CFA
  • les assoces gestionnaires missionnées par l’ASE
  • RESF
    Le tout par fax, avec le soutien des élus (celui à la jeunesse par exemple).
  • Juillet 2015
    Source : RESF 75

Mise à jour le 16 novembre 2015

Pour A., la situation s’est débloquée par un mail adressé au chef du 9e avec copie au grand grand chef.
Il y a eu encore quelques péripéties et délais.
Il a actuellement une CS salarié temporaire, est inscrit en CAP cuisine, en alternance.

Pour Z., la situation reste inextricable.

Le certificat de décès de la mère a déjà authentifié 2 fois par le consulat de Côte d’Ivoire à Paris. Elle est morte quand il avait 3 mois Le père était inconnu; Z. a été élevé par ses grands-parents qui sont décédés en 2005 et 2006 (certificats fournis). Il n’a pas d’autre famille hormis cet oncle qui s’est débarrassé de lui lorsqu’il avait 15 ans et 10 mois (novembre 2011). En France, il a alors été pris en charge par diverses associations pour mineurs jusqu’au jugement de placement à l’ASE en date du 27 mars 2012.
S’il ne peut relever d’un titre Vie privée et familiale puisque pris en charge par l’ASE à 16 ans et 3 mois (argument donné par la préfecture), il relève de l’article 313-15 (à 16 ans dans un circuit de formation professionnelle).
Z. est en cours de 5ème récépissé valable jusqu’au 29 décembre 2015. Le récépissé comporte deux anomalies : pas d’autorisation de travail et la mention « Visiteur »; qui interdit de prendre un emploi. Le consulat (ou l’ambassade) de France à Abidjan n’a pas donné suites malgré les multiples relances. La famille (l’oncle qui l’a expédié en France, frère de la mère) ne se décide pas à se rendre à l’ambassade de France alors qu’il habite à Abobo, banlieue proche d’Abidjan.
Z. a un contrat Jeune Majeur valable jusqu’au 19 février 2016 ( il aura 21 ans le 20 février 2016). Jusqu’à cette date il sera logé dans un hôtel géré par l’ASE. Mais ensuite; il n’a pas droit à un FJT puisqu’il n’est pas régularisé. Il est apprenti depuis 3 ans chez un menuisier qui l’apprécie. Il travaille grâce à une autorisation délivrée par la DIRECCTE. Il a son CAP de menuisier et est en cours de Brevet professionnel. Il pourrait poursuivre pour un Brevet Technique supérieur si son patron le garde et le paye comme un ouvrier. Mais il aura alors un loyer à payer: en aura-t-il les moyens ?