Calais : expulsions du territoire en catimini

Migrants: les vols au départ de Marck se multiplient en catimini.

Un article de D. K. (Nord Éclair, 2 juillet 2015)

Nouvelles vagues d’arrestations massives à Calais. Et nouvelles vagues de transport de migrants en avion, tentant des retours au pays pour des Soudanais et des Afghans, des pays marqués par le terrorisme, les tortures, les tueries ; « ce qui, pour les Afghans, ne s’est pas vu depuis 2009 ! », assure un communiqué du collectif calaisien suivant les placements en rétention des exilés qui dénonce « des tentatives de renvois en Afghanistan et au Soudan : l’autre versant du plan Cazeneuve ».

Deux avions pour 10 migrants

Samedi, l’avion de la Paf, venu de Paris, s’est posé sur le tarmac de l’aéroport de Calais-Dunkerque à Marck en toute discrétion, pour venir chercher 10 migrants détenus au centre de rétention de Coquelles. Un premier vol est parti pour Rennes en fin de matinée avec à bord « Deux Afgans, trois Soudanais et 9 escortes », précise une source proche. Le second est parti pour l’aéroport de Nancy/Metz peu après 14h avec « trois Afghans, un Irakien, un Soudanais et 9 escortes ». Le Beechcraft 1900 de la PAF a emmené les exilés vers d’autres centres de rétention en France. Toujours au mois de juin, près de 80 exilés ont été arrêtés à Calais et transférés dans des centres de rétention à Rouen, Mesnil Amelot, Nice, Sète… Et certains migrants seraient déjà de retour à Calais.

Les migrants sont transférés avec des obligations de quitter le territoire français. « Le temps d’arriver au centre de rétention, le délai de 48h pour exercer le droit de recours saute (…) Cette pratique prive les exilés de leurs droits, et empêche les réseaux de solidarité de s’organiser pour contrer ces procédés illégaux et ces menaces d’expulsions », fustige le collectif Information rétention ajoutant que « des visites du consul ont été organisées (…) s’il délivre un laisser passer, les expulsions pourront avoir lieu ».

Tentatives d’éloignement onéreuse et inutile ?

Les scénarios se répètent avec des tentatives d’éloignement aussi inefficaces qu’onéreuses. En décembre, au moins deux vols du même type sont partis de Marck, avec à bord certains exilés dont les demandes d’asile étaient en cours. La préfecture justifiait ces transports aériens couteux qui avaient abouti à la libération des migrants, et à leur retour à Calais quelques jours plus tard, pour « éviter la saturation du centre de rétention de Coquelles » et d’expliquer que « le juge peut mettre fin à la rétention ». Une opération dont la note est salée : l’heure de vol d’un Beechraft 1900 avoisine les 4000 euros, sans compter la mobilisation du personnel. Et le tout pour un résultat nul : les migrants sont relâchés et reviennent à Calais.

Le 10 mars, un charter pour l’Albanie a renvoyé 20 Albanais dans un avion de la Sécurité civile. Des Albanais qui, de retour chez eux, peuvent néanmoins rapidement obtenir un nouveau visa pour revenir en France légalement. Et retenter de partir en Angleterre.

Des retours possibles dans des pays marqués par les horreurs

« Après les renvois en Albanie, à quand les charters pour l’Afghanistan et le Soudan ? », s’insurge le collectif Information rétention. Le 17 septembre, la France a été condamnée par la Cour Européenne des droits de l’Homme pour un renvoi au Soudan avant qu’elle n’ait rendu sa réponse alors qu’elle était saisie pour suspendre l’expulsion. Au Soudan, les enfants font la guerre. Les femmes sont violées. Fin juin, un attentat suicide a fait la triste actualité en Afghanistan. « Des pays sûrs ? », remarque le collectif, tâclant « le plan Cazeneuve » qui « prétend humanité et fermeté » et dénonçant « l’inhopitalité et la répression comme politique d’accueil ».

D. K.

La préfecture n’a pas répondu à nos multiples sollicitations

2 juillet 2015
Source : Nord Éclair