Quarante témoignages de “travailleurs immigrés”, recueillis à l’occasion de la grève de 2009-2011.
Il existe de nombreux livres sur les “sans-papiers”, ces hommes et ces femmes qui, paradoxalement, n’arrêtent pas d’accumuler des “documents” pour prouver la “durée et l’intensité de leur séjour”, selon la novlangue préfectorale. Mais il s’agit le plus souvent de livres écrits par des spécialistes des sciences sociales, d’universitaires qui fréquentent occasionnellement le “terrain”, très rarement de textes écrits par les “migrants” et “migrantes” eux-mêmes.
Une fois n’est pas coutume, Marie-Cécile Plà a réuni, dans ces 150 pages, près de quarante témoignages de “travailleurs immigrés”, dont neuf travailleuses, presque tous originaires d’Afrique : Mali, Sénégal, Côte-d’Ivoire, Angola, République du Congo et Guinée. Témoignages rédigés ou relus par les intéressés.
Ils et elles avaient en Afrique des professions assez différentes : cultivateur, commerçant, couturier, caissière, restauratrice, informaticien, comptable ou secrétaire. Arrivés en France ils ont trouvé du boulot dans le nettoyage, l’aide à domicile, la restauration, le bâtiment, etc.
Presque tous sont venus pour aider leur femme, leurs enfants, leurs parents proches ou éloignés, et parfois même leur village (financement d’écoles, de dispensaires, etc.). Tous et toutes ont galéré ou galèrent depuis des années pour avoir “des papiers”, c’est-à-dire une carte de séjour.
Leurs récits brefs (une à trois pages maximum) sont entrecoupés de petits textes écrits par l’auteure ou de témoignages de “soutiens”. Et souvent précédés d’extraits de poèmes ou de citations destinées à susciter la réflexion. Ces textes éclairent les problèmes que rencontrent les enfants d’immigrés à l’école, mais aussi décrivent en quelques vignettes des manifestations ou des actions militantes.
Ce livre nous offre un portrait très vivant non seulement des peines mais aussi des joies des “étrangers” et “étrangères” qui vivent en France en “situation irrégulière”. Ils rencontrent bien sûr des difficultés matérielles (logement, santé, déprime, isolement) mais ils participent également à des luttes et des combats qui leur redonnent le moral, leur permettent d’être mieux informés de leurs droits et de finalement sortir de la clandestinité, ce régime mortifère à tous égards.
Comme l’on sait, les organisations ou associations qui soutiennent les sans papiers se chamaillent parfois entre elles et aussi avec les différents comités de sans papiers. Nul n’a oublié l’occupation pendant plusieurs mois de la Bourse du travail par la Coordination des sans-papiers (dite CSP 75) et les polémiques que cette occupation a suscitées.
L’intérêt de ce livre est également de nous montrer une vision plus apaisée, plus solidaire, des rapports entre “soutiens” (quelle que soit leur appartenance politique ou syndicale) et “sans papiers”.