Un pas de plus dans l’exclusion est en train d’être franchi à Lyon !
Jusque là, le Parquet de Lyon s’était fait, avec les comparutions immédiates, une spécialité des poursuites judiciaires contre les mineurs isolés étrangers brutalement accusés de tricher sur leur âge. Mais, sous réserve de faire eux-mêmes appel, beaucoup des jeunes étaient au moins maintenus sous la protection de l’ASE jusqu’à l’appel, au nom du principe selon lequel la culpabilité et les peines prononcées en première instance ne pouvaient être considérées comme définitives. Ceux qui se retrouvaient à la rue faute d’avoir voir fait appel, ou après l’avoir perdu, n’étaient pas parmi nos connaissances les plus nombreux.
Feu de tout ça ! A la veille des vacances de février, en plein milieu de son année scolaire commencée au lycée Flesselles, M. est jeté sans un sous sur le trottoir après 9 mois d’hébergement à l’hôtel. Un juge des enfants, couvert par le Parquet, a décidé d’arrêter sa prise en charge ASE (Aide sociale à l’enfance) au nom de l’enquête policière dont M. a fait l’objet début novembre… Pourtant les résultats de l’enquête policière sont des plus minces. Le bureau de la fraude documentaire de la PAF (Police aux frontières) reconnaît que le passeport et l’acte de naissance du jeune ne présentent aucune trace de falsification. C’est au nom du résultat des tests osseux, entre 21 et 35 ans, et de la trace d’un passage en Espagne, que M. a été condamné à 6 mois de prison avec sursis, une peine qu’il peut espérer voir annulée par la Cour d’appel. Malgré la faiblesse des charges contre lui, pour la seule raison que la police l’a estimé majeur, M. est aujourd’hui devenu SDF à 17 ans et demi…
Cette semaine, ce sera au tour de B., 16 ans, de subir le même sort que M., après cinq mois d’hébergement à l’hôtel et une condamnation dont il a, lui aussi, fait appel.
Les exemples de mineurs isolés abandonnés dans les rues de Lyon se multiplient ces dernières semaines. Dès leur arrivée, souvent au risque de leur vie via Lampedusa ou l’Espagne, leurs pièces d’identité sont, sans enquête ni preuves sérieuses, jugées frauduleuses par la MEOMIE (Mission pour l’évaluation et l’orientation des mineurs isolés étrangers) et le Parquet, alors qu’elles devraient être reçues comme faisant foi selon l’article 47 du code civil. Plusieurs de ces jeunes n’ont même pas été mis une seule nuit à l’abri. D’autres ont été jetés hors des hôtels ou foyers après quelques semaines, sur décision du Parquet qui refuse de les placer à l’ASE, les considérant d’office et abusivement comme majeurs. Des juges des enfants ont été saisis pour rétablir ces mineurs dans leurs droits à la protection, mais les procédures sont longues et le résultat n’est pas sûr quand on sait que certains de ces juges participent eux-mêmes à la mise à la rue de mineurs isolés. En attendant, I., Mh. et d’autres errent dans le froid , désespérés et pour certains malades.
Dans plusieurs villes de France, notamment Paris ou Amiens, des dizaines de mineurs isolés sont depuis plusieurs années déjà devenus « enfants des rues », les uns sont au lycée le jour et à la rue la nuit. La situation désastreuse dans ces villes dénoncée par nombre d’associations, et même par le Défenseur des droits et récemment par le Commissaire européen aux droits de l’homme est en passe de s’étendre à Lyon.
La Métropole de Lyon est directement responsable de l’Aide Sociale à l’Enfance sur son territoire, héritant en cela de la responsabilité de l’ancien Conseil général. Sa politique et les déclarations de son président, plaidant pour toujours plus d’économies sur les budgets sociaux ne sont pas faites pour nous rassurer. Elles vont dans le sens des pratiques actuelles du Parquet et de ses procureurs. Tous bafouent les droits à la protection des mineurs isolés étrangers, dans la droite ligne de la politique migratoire et d’austérité du gouvernement Hollande. Ce n’est pas un hasard au moment où est en préparation une nouvelle réforme du CESEDA qui va ériger la suspicion comme principe directeur en matière de droit au séjour. Comme les mineurs isolés, tout étranger régularisable ou régularisé se verra suspecté, contrôlé, surveillé à tous les moments de son parcours.
Dans cette situation, le Collectif RESF Jeunes Majeurs de Lyon propose aux associations et organisations soucieuses de la défense des droits des mineurs isolés d’envisager avec lui la perspective d’une manifestation devant le siège de la Métropole.
Dans l’immédiat et dans l’urgence, nous appelons :
— Les associations et organisations disposant de locaux à les mettre à disposition des mineurs isolés à la rue pour les mettre à l’abri la nuit. Il ne s’agit pas de remplir le rôle des institutions qui doivent protection aux mineurs isolés, mais de dénoncer publiquement leurs politiques et de les contraindre par nos actions à prendre en charge les mineurs en danger, tout en offrant une solution immédiate temporaire aux jeunes.
— Les enseignants et personnels des lycées à apporter tout le concours possible à ceux de leurs élèves mineurs isolés jetés à la rue.
— Les personnes disposant de possibilités d’hébergement à se faire connaître pour que nous envisagions ensemble au moins quelques mises à l’abri.
22 février 2015
Source : RESF Lyon
Voir aussi Mineurs isolés étrangers envoyés en prison