Au cours des décennies 2000 et 2010, la loi régissant le « délit de solidarité » (selon l’expression des personnes visées) a été variable. En 2015, il n’y a délit que si le soutien à une personne sans papiers a donné lieu à une contrepartie de la part de cette dernière. Mais pour faire reconnaître l’absence de cette contrepartie, et donc du délit, il faut parfois aller jusqu’à la Cour de cassation.
Pas de délit d’aide au séjour irrégulier sans l’existence d’une contrepartiePar un arrêt du 4 mars 2015, la Cour de Cassation sanctionne une Cour d’appel qui condamne une personne pour aide au séjour irrégulier sans avoir caractérisé l’existence des éléments constitutifs de cette infraction pénale.Dans cette affaire, un ressortissant de nationalité bengali héberge des personnes sans papiers et leur fournit des attestations de domicile. Lors de son interpellation, 6000 euros en espèces sont retrouvés en sa possession, somme qui selon lui aurait été prêtée par des amis pour financer une acquisition immobilière. Poursuivi pour aide à l’entrée, à la circulation et au séjour irrégulier d’un étranger en France, il est finalement condamné en appel à une peine de quatre mois d’emprisonnement avec sursis. Il décide alors de saisir la Cour de cassation d’un pourvoi et se fonde notamment sur l’article L622-4 du code pénal, texte introduit par la loi du 11 décembre 2012 visant à supprimer le délit de solidarité.La Chambre criminelle casse la décision et renvoie l’affaire devant la Cour d’appel de Nancy. Elle rappelle les termes de l’article L622-4 3° du code pénal qui crée une immunité pénale « […] lorsque l’acte reproché n’a donné lieu à aucune contrepartie directe ou indirecte et consistait à fournir des conseils juridiques ou des prestations de restauration, d’hébergement ou de soins médicaux destinés à assurer des conditions de vie dignes et décentes à l’étranger, ou bien toute autre aide visant à préserver la dignité ou l’intégrité physique de celui-ci. »La Haute juridiction reproche à la Cour d’appel d’avoir condamné le requérant « sans s’expliquer davantage sur les circonstances dans lesquelles [il] a hébergé des compatriotes en situation irrégulière et leur a fourni des attestations de domicile, notamment sur l’existence d’une contrepartie directe ou indirecte».La Cour de cassation retient ainsi une interprétation stricte du délit d’aide au séjour irrégulier et limite le pouvoir d’appréciation des juges du fond. Si la preuve d’une contrepartie directe ou indirecte n’est pas rapportée, le fait d’héberger des personnes en séjour irrégulier et de leur fournir des attestations de domicile relève d’une action humanitaire et la personne doit bénéficier de l’immunité pénale.Source : RESF 37