L’histoire de l’expulsion de monsieur A,, qui a aucun moment n’a pu faire valoir ses droits, racontée par des témoins juristes.
Nous suivions Monsieur A. pendant son incarcération à la maison d’arrêt de Nantes. Nous l’avons accompagné pour faire une demande de titre de séjour pour raisons de santé. Ce dossier a été envoyé et reçu par la préfecture de Loire Atlantique le 19 juin 2015.
Sa sortie étant prévue le 22 juin, nous avons contacté le greffe de la maison d’arrêt vendredi 19 juin pour savoir si une mesure d’éloignement lui avait été notifiée.
Le greffe a refusé de nous donner des informations par téléphone, nous demandant d’envoyer un fax. Ce que nous avons fait immédiatement. Suite à cela, pas de réponse à notre fax et impossible de les joindre par téléphone.
En réalité, une OQTF (obligation de quitter le territoire français) lui avait été notifiée le jeudi 18 juin, mesure qu’il n’a pas eu l’opportunité de contester en détention.
Lundi matin, le 22 juin, suite à la levée d’écrou, monsieur A. a été pris en charge par la PAF (police aux frontières), après notification d’un arrêté de placement au CRA (centre de rétention administrative, antichambre de l’expulsion).
Des démarches ont été faites par l’équipe Cimade au CRA de Rennes, mettant en avant la pathologie grave de Monsieur A., l’existence d’une demande de titre de séjour en cours d’instruction et enfin, l’absence de possibilité de contester la mesure d’éloignement en raison de l’incarcération.
Le tribunal administratif a rejeté le recours comme étant tardif.
Le ministère de l’Intérieur de son côté a répondu que la menace à l’ordre public devait l’emporter sur la considération de l’état de santé de monsieur A.
Résultat, Monsieur A. a été expulsé le 24 juin, soit le surlendemain de son élargissement.
En résumé :
– inertie de l’administration pénitentiaire; nous avions alerté son CPIP (Conseiller pénitentiaire d’insertion et de probation) à plusieurs reprises sur ce risque, nous avons sollicité le greffe de la maison d’arrêt qui n’a pas répondu malgré notre insistance sur le droit au recours effectif,
– brutalité de de la préfecture qui applique la « double peine » (prison + expulsion) à un malade,
– cynisme du ministère de l’Intérieur.
Nous nous apprêtons à contacter différents organismes de contrôle, Contrôleur général des lieux de privation de liberté, Défenseur des droits (suite à la création d’un groupe de travail sur les malades étrangers), ainsi que l’Administration pénitentiaire, et particulièrement la maison d’arrêt de Nantes.