Malgré le changement de majorité survenu en France en mai 2012, force est de constater que la politique envers les étrangers n’a pas été réorientée vers un traitement répondant aux réalités personnelles et sociales de ceux-ci. Les quelques modifications de réglementation introduites depuis l’été 2012 n’ont pas apporté, non plus, de nouveautés significatives.
La circulaire du 28 novembre 2012, de même que la loi sur l’immigration professionnelle et étudiante prévue en 2015, proposent à leur tour des réponses très partielles à la variété des problèmes qui se posent, laissant de côté des questions graves : l’emploi illégal de travailleurs privés de droit au séjour ; l’absence de protection des jeunes étrangers isolés avant comme après leur majorité ; les couples franco-étrangers soupçonnés et séparés. Quant à ceux qui ont besoin de soins médicaux, ils doivent faire face à des difficultés croissantes d’accès au droit de séjour, avec les conséquences qui en découlent sur leur état de santé et leurs conditions d’existence.
Aussi la loi qui régit le droit au séjour des étrangers peut-elle être figurée par un long et haut mur doté de quelques rares portes étroites. Pour franchir ces portes, il faut avoir un profil administratif codé et compter sur la bonne volonté des services préfectoraux, bonne volonté qui est loin d’être acquise. En effet, qu’y a-t-il de commun entre une législation élaborée par des énarques, que leur parcours depuis le lycée a nécessairement tenus à l’écart de la réalité, et des migrants qui ont tenté une aventure périlleuse pour survivre… au risque souvent de leur vie.
Une vie humaine est faite de mille imbrications : un habitat, un travail, une famille, des amis, des projets, des rêves. Mais pour le ministre de l’Intérieur et les préfets, il n’y a que des critères. Des existences entières se trouvent ainsi découpées, mâchurées, transformées en piles de « preuves de présence ». Des démarches à reprendre sans cesse avec des envois de lettres recommandées sans nombre sont effectuées pour finalement se heurter au silence de l’administration ou à ses refus. Refus qui se soldent souvent par une « obligation de quitter le territoire français » : OQTF.
Jointe à des conditions d’existence précaires, une menace latente pèse sur des hommes, des femmes et des enfants. Être étranger en terre d’accueil révèle les facettes peu connues de cette réalité douloureuse. Grâce au foisonnement des témoignages et des analyses que l’ouvrage propose, le lecteur ne manquera de saisir, dans toutes leurs intrications, les enjeux humains et sociaux de l’immigration en France. ♦
Un livre publié chez L’Harmattan en 2014.