A la fin de l’été 2014, à Perpignan, un grand nombre de familles déboutées du droit d’asile ont dû quitter rapidement les structures d’hébergement dans lesquelles elles logeaient et se sont retrouvées à la rue. Un habitant traduit en justice pour avoir recueilli l’une de ces familles, est finalement relaxé sous la pression de la mobilisation de multiples collectifs.
La Police aux frontières (Paf) traque obstinément ceux qui viennent en aide aux migrants. A Perpignan, cette sinistre besogne a été couronnée par des poursuites pénales engagées par le procureur de la République à l’encontre d’un dangereux activiste des droits de l’Homme.
Des policiers zélés avaient identifié une cible de choix en la personne de Denis L. : il hébergeait à son domicile une famille arménienne (deux enfants de 3 et 6 ans et leurs parents), sous le coup d’une obligation de quitter le territoire et dans l’attente des résultats d’un ultime recours, non suspensif, contre le rejet de leur demande d’asile.
Employant les grands moyens pour le confondre, ils lui ont infligé trente-six heures de garde à vue et un long interrogatoire, à la suite de quoi le procureur l’a convoqué devant le tribunal correctionnel : il doit y comparaître le 15 juillet pour aide au séjour irrégulier, délit passible de cinq ans d’emprisonnement et d’une amende de trente mille euros.
Pourtant, l’article L622-4 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile exclut toute poursuite lorsque l’hébergement d’un étranger en situation irrégulière « n’a donné lieu à aucune contrepartie et qu’il était destiné à assurer des conditions de vie dignes et décentes ». Autrement dit, lorsque l’hébergeant agit par solidarité, comme Denis L. l’a fait, à la demande du Collectif des sans-papiers de Perpignan, qui cherchait à reloger plusieurs familles de demandeurs d’asile en détresse.
Qu’importe : cette exception n’a désarmé ni les policiers ni le procureur de la République. Pour trouver une contrepartie à l’hébergement qu’ils voulaient à tout prix incriminer, ils sont allés chercher au fond de l’évier et du bac à linge sale de Denis L. ! Le procès-verbal de convocation devant le tribunal lui reproche en effet d’avoir demandé à ceux qu’il accueillait de « participer aux tâches ménagères (cuisine, ménage, etc.) ».
Un ferme avertissement est ainsi donné à tous ceux qui manifesteraient de dangereux penchants pour une solidarité qui reste encore et toujours suspecte aux autorités policières et judiciaires : si vous accueillez un étranger chez vous, n’allez quand même pas jusqu’à partager quoi que ce soit avec lui, surtout pas la vaisselle ou le ménage ! Et s’il vous parle, faites attention, l’agrément de sa conversation serait une contrepartie évidente au toit que vous lui prêtez. En somme, vous devez faire comme s’il n’était pas là. C’est toujours comme ça, avec les étrangers : c’est mieux s’ils ne sont pas là…
La prétendue dépénalisation du délit de solidarité proclamée en 2012 n’est que faux-semblant : il passe encore la porte des palais de justice. Une fois de plus, une fois de trop !
Communiqué commun
La vaisselle et la solidarité ne font pas bon ménage
Organisations signataires : LDH, Gisti, Fasti, RESF, La Cimade, Syndicat de la magistrature, Syndicat des avocats de France, Mrap, Union syndicale Solidaires, Association des travailleurs maghrébins de France (ATMF), Réseau chrétien immigré (RCI), Collectif ivryen de vigilance contre le racisme (CIVCR), RESF 51, Itinérance Cherbourg, collectif Si les femmes comptaient, PCF, Parti de gauche, PCOF, Ensemble !.
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Une pétition lancée sur internet par le comité de Perpignan a recueilli près de 2500 signatures.
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Son procès aura lieu mercredi prochain, le 15 juillet 2015 à 14h, au tribunal correctionnel de Perpignan. Les associations d’aide aux sans papiers dénoncent une procédure qui selon elles, vise à faire de la solidarité un délit. On s’interroge aujourd’hui sur le motif invoqué par le tribunal pour cette comparution.
Nous avons joint le procureur de la République de Perpignan. Ses services nous ont communiqué l’infraction dont est accusé l’hébergeur. Il s’agit de « l’aide au séjour irrégulier des étrangers ».
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Perpignan, le 15 juillet : le procès de Denis L, pour avoir hébergé une famille de sans-papiers (voir pièce jointe), vient juste de se terminer… et par une victoire ! Toutes les charges ont été abandonnées par le procureur, qui a demandé la relaxe sans même entendre les témoins (une première au tribunal de Perpignan).
En effet, de façon très inhabituelle, le procureur de la République a pris la parole en début d’audience afin d’indiquer que la nature des faire reprochés à Denis ne lui semblait pas pouvoir entraîner de poursuites judiciaires et a indiqué que le parquet se désistait de toutes ses réquisitions. Dans ces conditions, le tribunal se retirait pour délibérer et ne pouvait qu’annoncer, cinq minutes plus tard, la relaxe de Denis L. Celui-ci commentait : « C’est une bonne décision qui va faire jurisprudence et qui va rassurer les associations et les particuliers qui ne seront plus intimidés par des menaces de poursuites. Car elles font le travail que l’État ne fait pas, par exemple, en hébergeant des familles qui se retrouvent expulsées des foyers, jetées à la rue dans l’attente de leur dernier recours de demande d’asile. »
Malgré le peu de temps pour préparer cette campagne et la période estivale, il y a eu une forte mobilisation pour faire échec à cette grossière tentative d’intimider les sans-papiers et leurs soutiens. Une bonne couverture médiatique régionale, nationale (même un article dans « Le Canard enchaîné » !)
10-15 juillet 2015
Sources dans le texte