Migrants en Guyane et à Mayotte

La lettre de Mom n° 34 du 28 mai 2015

I. Guyane

A. Expulsions illégales de la Guyane vers le Suriname

Un accord de réadmission, signé le 30 novembre 2004 et ratifié par la France en décembre 2005.
Un accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Suriname relatif à la coopération transfrontalière en matière policière, signé à Saint-Laurent-du-Maroni le 29 juin 2006 et ratifié par la France le 24 janvier 2008.
Aucun des deux n’a été ratifié par le Suriname en 2015. bien que, selon le site du ministère des affaires étrangères : « Sur le terrain, […] la coopération fonctionne de manière satisfaisante. Des patrouilles militaires fluviales conjointes sont mises en œuvre selon un accord intergouvernemental datant de septembre 2003. »

Ainsi, la reconduite depuis la Guyane d’une personne étrangère vers le Suriname n’est prévue par aucun accord bilatéral en vigueur sans un sauf conduit délivré par une autorité consulaire surinamaise – même si cette personne est de nationalité surinamaise. Or la préfecture de Guyane décide chaque année l’exécution de milliers de reconduites de l’autre côté du fleuve frontalier d’étrangers de toutes nationalités…

« Les ressortissants guyaniens en situation irrégulière en Guyane ne sont reconduits que jusqu’à Albina, au Suriname, en raison de l’absence d’accord de coopération entre la France et le Guyana. La plupart rebroussent chemin. En 2014, la Police aux frontières (Paf) a interpellé près de 8 000 personnes en situation irrégulière en Guyane, dont 5 800 ont été reconduites à la frontière. Parmi ces reconduites, on compte bon nombre de Guyaniens laissés à… Albina. On pourrait se demander quel est l’intérêt de reconduire à la frontière surinamaise des ressortissants du Guyana. En effet, il faut compter 600 km entre Albina et Georgetown, et seulement 260 entre Albina et Cayenne. Pour les clandestins, le calcul est vite fait. Tous retraversent le Maroni directement. »

  • Jurisprudence : le renvoi de Guyane vers le Suriname de personnes qui n’y sont pas légalement admissibles est illégal

B. État civil

La carence institutionnelle dans l’établissement de l’état civil, vecteur d’atteintes à l’accès aux droits dans l’ouest guyanais
Rapport d’une mission effectuée entre le 22 novembre et le 6 décembre 2014 par le service juridique de la LDH en     collaboration avec la responsable du groupe outre-mer de la LDH.

C. Barrages policiers permanents

Deux barrages policiers permanents, véritables frontières internes, sont établis sur la seule route permettant l’accès à Cayenne, l’un à l’Est, l’autre à l’Ouest (voir la carte). Les personnes qui vivent le long des fleuves frontaliers (Oyapoque et Maroni), étrangères sans papiers ou françaises mais dépourvues de preuve de leur nationalité, sont ainsi privées de l’accès à la préfecture, à certains tribunaux, à plusieurs services hospitaliers et consultations spécialisées, à des formations professionnelles ou universitaires.

Ces contrôles de gendarmerie sont renouvelés tous les six mois par des arrêtés préfectoraux selon lesquels « le caractère exceptionnel et dérogatoire au strict droit commun de ces contrôles permanents à l’intérieur du territoire, doit être principalement ciblé sur la répression de l’orpaillage clandestin et l’immigration clandestine ».

Huit associations – Aides, la Cimade, le Collectif Haïti de France, le Comede, la Fasti, le Gisti, la Ligue des droits de l’Homme et Médecins du Monde – ont déposé devant le tribunal administratif de Cayenne plusieurs recours en annulation contre des arrêtés renouvelant ces barrages tous les six mois.

Par deux décisions, le TA de Cayenne a rejeté ces recours au motif qu’aucune des associations requérantes, compte tenu de leur champ d’action national et, pour certaines, de leur objet, ne justifiait d’un intérêt pour agir contre un arrêté préfectoral pris à des fins d’ordre public et dans le seul département de la Guyane.

La CAA de Bordeaux a été saisie en appel à la suite de la première de ces décisions – l’audience s’est tenue le 21 mai 2015.

La presse guyanaise parle des recours contre ces barrages et de la mobilisation de l’UTG pour le 1er mai

 

II. Mayotte

A. Reportage

« Dernier-né des départements français, Mayotte se trouve dans une situation paradoxale. Propulsée dans un processus accéléré d’intégration à la République, l’île reste soumise à des pratiques dérogatoires encore dignes du système colonial. Exemples aux frontières, à l’école, dans l’administration… »

« A Mayotte, dernier-né des départements français, un habitant sur deux a moins de 17 ans. Parti eux, de nombreux enfants survivent, sans droits ni ressources, dans la misère la plus totale. Zomm sur un scandale oublié, noyé dans l’océan Indien. »

« Dans le dernier-né des départements français, en marge des meetings électoraux, la population, ravagée par la pauvreté et la difficulté d’accéder aux mêmes droits qu’en métropole, commence à questionner les dysfonctionnements de la République. »

B. Jurisprudence

Jusqu’au 26 mai 2014 (date d’entrée en vigueur du Ceseda à Mayotte) :

Depuis le 26 mai Mayotte est « en France » au sens du Ceseda et ce type de décision ne devrait plus exister…

  • TA de Marseille, 13 mai 2015, n° 1501848
    Madame X était arrivée en métropole ; son fils français est resté à Mayotte. Elle demand une carte de séjour en tant que parent d’enfant français résident en France (Ceseda, art. L. 313-11 6°).
    Le tribunal annule un refus de la préfecture car « I
    l est constant qu’à la date de la demande de titre de séjour présentée par la requérante cet enfant demeurait de manière stable et durable à Mayotte et par suite en France » au sens du Ceseda ».

Par ailleurs, une carte de résident délivrée à Mayotte est désormais valable pour en France (contrairement à la plupart des cartes de séjour temporaires).

  • TA de Toulouse, 13 mars 2015, n° 1501209
    Illégalité d’un refus de titre de séjour accompagné par une OQTF à destination de Mayotte prononcé par le préfet du Tarn alors que la personne concernée possédait une carte de résident délivrée à Mayotte et valable jusqu’en 2023.

C. Expulsions

Kwassas interceptés

Année 2011 2012 2013 2014
Embarcations 449 412 476 597
« Passeurs » 623 478 518 610
Passagers 11 412 10 132 10 610 12 879

Source : Préfet de Mayotte, conférences de presse, 3 février 2014 et 11 avril 2015

Total des reconduites en 2014 (adultes + enfants) : 19 991. En 2013 : 15 908.

III. Thèmes transversaux

A. Rapports institutionnels

Population : totale (toutes nationalités), étrangère en situation régulière, étrangère en situation irrégulière (estimation)

DOM Totale Situation régulière Situation irrégulière
Mayotte 217091 21741 75000
Guyane 229040 38911 45000
Guadeloupe 403355 18858 15000
Martinique 394173 6280 2000
Réunion 821136 8121 1500

Éloignements depuis les Dom 2005-2013

Année

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

Mayotte

7714

13253

13990

13329

16726

20429

16374

13001

11861

Guyane

5942

8145

9031

8085

906

69458

9410

9757

6824

Guadeloupe

1253

1964

1826

1682

1023

514

546

651

529

Martinique

603

432

390

404

327

454

454

499

344

Réunion

56

64

53

52

73

67

74

70

74

Les enfants ne sont pas compris dans ces chiffres.

B. Divers

Comité pour l’élimination de la discrimination raciale (CERD) : observations finales sur les 20e et 21e rapports périodiques de la France

Points 12 et 13 sur les peuples autochtones de Guyane et de Nouvelle-Calédonie ; 14 sur Mayotte et 16 sur le faible accueil des demandeurs d’asile en outre-mer.

Nationalité française : nouvelle offensive de quelques députés contre le droit du sol
Déclarations de trois députés en mai 2015… Comme, depuis dix ans, en période de réformes législatives, l’outre-mer sert de « laboratoire des reculs des droits des étrangers.

Migrations, santé et soins en Guyane (Human health and pathology)

par Anne Jolivet
Thèse de l’Université Pierre et Marie Curie – Paris VI, 2014

La lettre 4 de la LDH sur l’outre-mer, avril 2015

  • Dossier « Outre-mer, état de santé »
  • Actualités

www.migrantsoutremer.org


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