Une famille chinoise s’insère dans la société française par le travail et la scolarisation de son enfant. Mais l’atelier est clandestin et les parents n’ont pas de papiers… Promis à l’expulsion par le préfet, le père de famille y échappe grâce à la mobilisation des enseignants et des parents de l’école de sa fille.
Vendredi 15 janvier 2016. L’école Polyvalente Pajol située dans le 18ème arrondissement de Paris, dans le quartier de La Chapelle est occupée depuis 13h30 ce jour par des parents et des proches, pour exiger la libération de Monsieur G., père d’une petite fille élève en grande section de maternelle. Monsieur G., de nationalité chinoise, a été arrêté le 23 décembre 2015 et mis en rétention au CRA (Centre de Rétention Administrative) de Vincennes 3, suite à une OQTF (Obligation de Quitter le Territoire Français). Il peut être expulsé à tout moment ! La préfecture lui reproche d’avoir travaillé sans avoir de papiers pour nourrir sa famille.
Cette petite école de la Goutte d’Or compte 10 classes, 210 élèves et 15 langues différentes parlées par les familles. Ici, cela fait des semaines que les familles sont mobilisées. Une première assemblée générale (AG), jeudi dernier, a permis d’alerter les élus. Eric Lejoindre, maire (PS) de l’arrondissement et Daniel Vaillant, le député de Paris, ont tenté de faire bouger le dossier. « Nous n’avons pas encore eu de réponse de la préfecture. Nous ne sommes pas très optimistes. Monsieur G. a été arrêté lors d’une descente dans un atelier clandestin ». Sa femme qui était enceinte de deux mois travaille elle aussi dans la confection et suite à tout le stress consécutif à l’arrestation de son mari a perdu son bébé. La mère de monsieur G. est en France depuis dix ans et travaille comme nourrice mais n’a pas encore réussi à avoir une carte de séjour malgré ses efforts.
Jeudi soir, une seconde AG a permis de lancer l’occupation de l’école. « C’est une occupation illimitée, jour et nuit », souligne Carole. « La fillette montre une envie incessante d’apprendre. Sa maman, qui a fait une demande d’asile, participe à tous les cours de français de l’école. Elle est enceinte d’un deuxième enfant.
Samedi 16 janvier 2016. Les parents occupants ont reçu la visite de certains élus du 18ème, dont Monsieur Philippe Darriulat, chargé des Affaires scolaires, ainsi que de Philippe Durand, chargé des Espaces verts et de Ian Brossat, conseiller de Paris et adjoint à la maire de Paris, chargé du logement et de l’hébergement.
Ils les ont assuré leur soutien dans ce combat.
Dimanche 17 janvier 2016. Déroulé de la journée : douze enseignants et parents d’élèves présents à partir de 9h30 au Palais de Justice. Quatre contrôles de sécurité complets (fouille des sacs, caresses électroniques un peu partout, questions , etc.)= à l’entrée du Palais de justice ; après la porte Y , au bas de l’escalier menant au 3e étage et à l’entrée du tribunal. Gendarmes polis mais insistants. 20 dossiers à l’ordre du jour. Monsieur G. n’a pas été reçu dans la salle normale du tribunal donc possibilité de faire entrer seulement deux personnes en dehors des avocats dans un minuscule bureau. Principe de la publicité de la justice bafoué…
Décision de libération communiquée à 14h30. Appel du parquet contre la décision du JLD à 17h30 mais libération en même temps de monsieur L. arrêté au même endroit, le même jour et dans les mêmes circonstances. Volonté du parquet de faire un exemple avec ce papa d’enfant scolarisé?
Lundi 18 janvier 2016. AG des parents à 19h30, encore plus nombreuse et déterminée que les précédentes malgré la tristesse de madame G. et des parents . Plusieurs actions sont envisagées demain et mardi. L’occupation continue, évidemment.
Petit bilan de la journée
– Délégation de parents à la permanence de Daniel Vaillant à 9h30 pour demander son appui (plus exactement pour lui redemander d’intervenir)…
– Rassemblements devant l’école à 16h30 et 18 heures (au moins 30 personnes la première fois puis 50 personnes la seconde)
– Petite « occupation » du local de la Caisse des écoles dans la mairie du 18e entre 17h et 19h30. 11 enseignants, parents d’élèves et 6 enfants qui se sont bien amusés dans l’aire de jeux de la salle d’attente…
– Marche de l’école à la mairie après le rassemblement de 18 heures. Une cinquantaine d’adultes plus pas mal d’enfants chantant, faisant du bruit et munis de petites lumières. ET criant « Libérez Monsieur G. » jusqu’à 19h30 !
A l’intérieur de la mairie du 18e dans le local de la Caisse des écoles que nous « occupions » nous avons eu la visite de Judith Hervieu directrice de cabinet du maire et de Philippe Dariulat chargé des affaires scolaires. L’un et l’autre nous ont assuré être intervenus auprès de la préfecture, l’avoir fait de nouveau ce soir et être prêts à le faire de nouveau si M. G. n’est pas libéré demain. Nous sommes repartis vers 19h30 pour faire un petit compte rendu aux joyeux lurons et luronnes qui nous attendaient dehors… frigorifiés !
Mardi 19 janvier 2016. Cour d’appel du JLD.
Mercredi 20 janvier 2016. Ce matin à 8h30 une trentaine de parents et enseignants, accompagnés d’élus du PCF, du Front de Gauche et d’Europe Ecologie Les Verts, et aussi de nombreux enfants, ont bloqué pacifiquement le carrefour de La
Chapelle pendant une bonne-demi heure sans intervention policière. Deux automobilistes un peu énervés mais sinon pas d’incident à signaler.
A 9h30 M. G. apprenait qu’il était libéré par le préfet de police.
Ce soir Assemblée générale de bilan au 11 rue Pajol à 18 heures,
apéritif participatif (chacun amène un truc à manger ou à voir) et
point presse avec les journalistes qui ont contacté les parents et les
enseignants pour avoir davantage d’infos (des articles ont été publiés dans Le Parisien, L’Humanité et Le monde).
M. G., sa femme et sa fille ont retrouvé le sourire. Et la joie et
l’émotion sont sensibles chez tous les parents et enseignants de
l’école. Un grand merci à toutes celles et tous ceux qui sont venir
soutenir cette lutte aux deux JLD, en passant faire un petit coucou,
en participant aux rassemblements, etc.
Merci à tous les syndicats, associations et partis politiques qui se
sont manifesté et déplacé à l’école ou ont publié des communiqués de presse ou écrit aux autorités « compétentes ».
Je vous joins le communiqué des parents
Source : RESF 18ème
COMMUNIQUE DES PARENTS ET ENSEIGNANTS DE L’ECOLE PAJOL OCCUPEE DEPUIS LE VENDREDI 15 JANVIER: M. GAO Peng a été libéré ce matin !
Nous avons appris ce matin la libération de M. G. de
nationalité chinoise, parent d’une petite fille scolarisée à l’Ecole
polyvalente Pajol (Paris 18e), en rétention au CRA de Vincennes depuis le 23 décembre 2015.
Nous sommes soulagés que le préfet ait pris la décision de rendre M.
G. à sa femme et à sa fille. Nous espérons que ce genre de
situation (27 jours de rétention et 4 procès) ne se reproduira pas
parce qu’elle affecte non seulement la famille mais toute la
communauté scolaire, et même plus largement les citoyens concernés.
Nous tenons à remercier les élues et élus qui se sont engagés à
soutenir M. G. dans ses démarches en vue de sa régularisation
administrative.
Tous les parents émus par cette situation comptent suivre au plus près les avancées du dossier de M. G..
Toutefois, ce dossier a fait ressurgir la menace d’expulsion qui plane
sur les parents et enfants scolarisés en « situation irrégulière ». Nous
devons plus que jamais rester vigilants et solidaires, car nous sommes tous concernés et affectés par ces situations inhumaines et
inacceptables, qui touchent des familles et des communautés entières dans leur vie quotidienne.
L’école reste occupée jusqu’à l’Assemblée générale de ce soir 18h.
Commentaire du RESF : Même avec l’état d’urgence les parents et les enseignants, en occupant l’école depuis 5 jours, en occupant la mairie du 18e pendant trois heures, en manifestant dans la rue à deux reprises sans demander d’autorisation ou de permission à quiconque ont montré qu’il ne faut jamais baisser les bras devant une mesure injuste et inhumaine.
20 janvier 2016
Sources : RESF,
Le Parisien
Voir le récit du Collectif Solidaire des parents de l’école polyvalente Pajol