Quand le ministère de l’Intérieur ne sait plus quoi faire de ces migrants à la fois indésirables et trop visibles, il les enfourne dans des cars pour les déplacer, de France en Roumanie, de Calais dans le reste du pays. Mais les migrants, eux, sont par expérience, des acrobates du déplacement qui savent retourner tout système dans leur sens.
Le financement de l’aide au retour dans le pays d’origine d’un étranger est un dispositif qui permet de se séparer sans violence d’étrangers dont la présence n’est pas souhaitée par les pouvoirs publics (voir un exemple ici).
Après l’adhésion à l’Union Européenne de la Roumanie et de la Bulgarie en 2007, ce dispositif avait été largement utilisé pour tenter de décourager les ressortissants de ces pays qui avaient rapidement utilisé la liberté de circulation ouverte par cette adhésion pour tenter de s’installer ailleurs, notamment en France. Les expulsions de camps illicites de Roms donnaient alors souvent lieu à un embarquement plus ou moins volontaire dans un car en partance vers ces pays, avec une poignée d’euros en poche. Le retour en France ne prenait pas très longtemps et les plus malins ont ainsi bénéficié plusieurs fois de l’aide au retour ! Le dispositif a été abandonné en 2012 pour ces situations.
Fin 2015, il s’agit pour les pouvoirs publics de désengorger les jungles et bidonvilles de Calais, vraiment trop visibles depuis l’emballement médiatique récent, Les autorités procèdent donc à un éparpillement par paquets des exilés de Calais, de façon classique en centre de rétention, ou innovante dans des « centres de répit », puis centres d’accueil et d’orientation.
Le processus démarre cahin-caha, les exilés dont l’objectif est la Grande Bretagne se pliant mal à cet aléa supplémentaire.
Puis, au printemps 2016, le bruit circule à Nantes que des migrants qui vivent en squat faute d’un hébergement plus décent, ayant appris qu’on répartissait les « calaisiens » dans des hébergements corrects un peu partout en France, se rendent à Calais et attendent qu’un bus soit affrété pour Nantes…
Mais ce n’est pas spécifique à Nantes. Cela fait plusieurs semaines qu’on voit arriver à Calais des gens qui veulent demander l’asile en France, qui demandent à être hébergés dans le camp de containers ouverts début 2016, de la partent rapidement en CAO, et peuvent déposer une demande d’asile en étant hébergés, ce qui n’est passible nulle part ailleurs en France. Depuis, les containers
sont engorgés et il y a une liste d’attente, mais la préfecture continue à se vanter de l’augmentation des départs en CAO.
Comme quoi l’appel d’air existe : c’est le pouvoir qui le crée.
On avait eu la même chose en 2009 quand Besson avait mis en place un système d’aide au retour spécial Calais, avec hébergement quasi immédiat et aide financière supplémentaire. On a vu arriver à Calais des gens de toute la France et des pays voisins, qui voulaient rentrer dans leur pays, et qui profitaient de l’occasion.
L’humour ministériel a des raisons que la raison ignore.
21 mai 2016
Sources dans l’article