Un mouvement spontané de solidarité de la population d'un village qui, à la fin de la guerre d'Algérie, avait déjà vu arriver des harkis.
Acte 1 : Au début du mois de juillet 2015, un homme d’une trentaine d’année, installé depuis environ trois ans dans le village de Rosans (500 habitants), suit à la télévision l’actualité concernant le blocage des « réfugiés » à la frontière avec l’Italie, notamment. Il est extrêmement choqué, tout d’abord par le sort qui est fait à ces personnes, mais aussi par les réactions de fermeture de nos « autorités », dans lesquelles il ne se reconnaît pas – « pas en notre nom » d’une certaine manière. Il se dit aussi : Je ne peux pas rester sans rien faire.
Il en parle alors à quelques ami-e-s, et s’adresse à nous (La Cimade), car « nous n’y connaissons rien ». Ce petit noyau sait qu’il y a des appartements libres dans le village et aimerait demander à la maire s’ils pourraient servir à accueillir des réfugiés. Ils vont la voir et elle dit : « Je n’ai pas d’opposition, mais il faut consulter la population ».
Acte 2 : Nous préparons pour la fin du mois de juillet une réunion publique, à laquelle viennent 50 personnes (dont six de la Cimade de Gap). Au cours de cette soirée, qui durera environ trois heures, nous exposons rapidement l’histoire et le fonctionnement des « villes sanctuaires », puis nous facilitons la discussion et surtout le fait que chacun-e puisse dire ses attentes, ses appréhensions, ses peurs.
Deux jours plus tard, le conseil municipal vote, à l’unanimité moins une abstention, l’accueil de réfugiés en mettant à disposition deux appartements.
Nous avons mis en relation directe la maire de Rosans avec ceux de deux communes des Cévennes qui s’y sont déjà lancés.
Acte 3 : Dans les jours qui suivent, une pétition émanant de personnes qui sont plutôt réservées, voire hostiles à cet accueil, recueille 150 signatures. Les médias s’en mêlent et certains titrent « Rosans se déchire ». Régulièrement en discussion avec l’équipe porteuse, qui est très sollicitée par les journalistes, nous décidons d’approcher les personnes qui ont lancé la pétition, et il s’avère qu’elles ne sont pas opposées sur le principe, mais aimeraient être consultées.
Un second débat public est alors organisé, auquel viendront, cette fois, 90 personnes. La rencontre a été bien préparée, notamment pour que chacun-e puisse s’exprimer. Il apparaît rapidement qu’une partie des « opposants » sont des enfants de harkis qui disent avoir été placés autoritairement et « mal accueillis », au point qu’ils sont, encore aujourd’hui, marginalisés. « Va-t-on les accueillir aussi mal ? » ; et si on s’occupe bien d’eux, pourquoi ne l’a-t-on pas fait pour nous, d’autant que certains de nos enfants ont dû quitter la région pour aller chercher du travail ; alors pourquoi y en aurait-il pour eux ?
Nous débattrons trois heures durant et, au bout du compte, une bonne partie des soit-disant opposants sont prêts à faire partie de l’équipe d’accompagnement, qui comprend aujourd’hui 50 personnes.
Acte 4 : Nous avons déjà eu une réunion rassemblant la municipalité, des représentants du groupe d’accueil, la Préfecture (Cohésion Sociale) et La Cimade (région et Gap).
Nous sommes à ce jour en lien avec de nombreuses communes de la région dans lesquelles un début de mobilisation s’est fait jour… à suivre.
Rajoutons que depuis des mois, plusieurs groupes de notre région sont des antennes du réseau Welcome qui nous permet d’héberger et accompagner pour un temps, des demandeurs d’asile sans hébergement en CADA. Des appartements nous ont été également proposés ; nous en avons utilisé deux cet été, pour des familles.
Avec une forte équipe d’accompagnement, dans le mois, l’une des familles a trouvé une place dans le circuit « normal ». Car il est clair pour nous qu’il ne s’agit pas de se substituer à l’É
tat ; seulement éviter des drames humains. Nous sommes en négociation avec une grosse institution, compétente en la matière, pour gérer cette question pour le collectif.
28 septembre 2015
Source : La Cimade
Provence Côte d’Azur