La marche blanche qui rendait ce samedi hommage à David, un enfant rom de 4 ans, décédé dans l’incendie d’une caravane d’un camp Pasteur à Lille, a renvoyé les pouvoirs publics à leurs responsabilités… Dans la foule, des soutiens nationaux à la cause rom.
(Un article de Nordéclair)
On ne voit que lui. Costume fripé. Cravate noire. Viorel Costache a fait le déplacement depuis Antibes. « 1 200 km et pas pour rien j’espère, j’aimerais rencontrer Martine Aubry et le préfet. »
Le président de l’association Prales (Les Frères) est l’une des figures nationales de la communauté rom. De sa voix rocailleuse, il glisse : « David, cet enfant qui a brûlé dans les flammes de sa caravane, n’est pas le premier. La communauté a déjà payé un lourd tribut ». Le discours est structuré. Il ne rencontre pourtant qu’un très faible écho de la part des pouvoirs publics. « Je dis aux Roms qu’ils ont des droits et des devoirs. Qu’ils sont des citoyens européens et qu’ils doivent respecter les lois françaises, les valeurs républicaines. Que l’intégration passe par la scolarisation impérative de leurs enfants… En contrepartie, l’État doit arrêter de les stigmatiser. Nous ne sommes qu’entre 15 000 et 20 000 en France. »
« Une poignée », reprend Esmaralda Romanez. La petite-nièce de Django Reinhardt a fait le déplacement depuis Marseille pour marquer son soutien. « Même langue, cause commune. » « La stigmatisation et le racisme ordinaire, on connaît. » La Tzigane, présidente de la fédération européenne des femmes rom et voyageuses, perçoit, sous le coup de l’émotion : « La mort de David comme un crime d’État. Ils sont une poignée et être dans l’impossibilité de les intégrer ce n’est que de la mauvaise volonté politique… Le nombre de Roms n’a pas évolué. Depuis dix ans, il tourne autour des 20 000 en France… ». Une poignée.
Ciel gris
Côté marche blanche sous un ciel gris, le nombre de présents ne cesse de gonfler. Des 200 participants au départ des bâtiments de la Métropole européenne de Lille (ex-LMCU), ils sont 350 à rejoindre le camp du rond-point Pasteur où s’est déroulé le drame. Tous prennent conscience de la misère ambiante dans ce camp pourtant « bien tenu ». La famille du petit David est aux premières loges. Eva et Ioan Hendre, les parents, s’avouent touchés par les messages de soutien, de condoléances. Ils souhaitent ramener la dépouille de David en Roumanie où devrait se faire l’enterrement. Une collecte est organisée à ces fins. Quelques enfants, fleurs jaunes et blanches à la main, ouvrent le cortège qui traverse Lille pour rejoindre la place de la République et la préfecture. « Ils sont les premières victimes de cette situation », lâche un participant. « Un cortège, c’est bien ; des toilettes, c’est mieux ! Quand verra-t-on un petit rom dans un centre de loisirs. ? ».
« Assez »
Finalement, ils sont près de 400 à rejoindre la place de la République vers 11 h 45 ce samedi. « Des cabanes qui brûlent, des vieillards, qui brûlent, des enfants qui brûlent, c’est trop. C’est assez… » Bertrand Verfaillie prend le micro au nom du collectif de soutien et des associations. Son discours fait mouche. « La haine générale que l’on nourrit de tombereaux de boue et de propos irresponsables, nous en avons assez… Les crocodiles qui jettent trois larmes sur les brasiers puis s’en vont, nous en avons assez… » De démonter un système absurde car « refusant l’intégration en se basant sur la négation de l’Autre ». « Les Roms meurent d’inexister… »
Côté pouvoirs publics, un rendez-vous a été fixé à lundi pour une rencontre entre un représentant de la préfecture et les associations. C’est le directeur de cabinet du préfet qui les recevra en vue de préparer une réunion préparatoire… « Le préfet refuse toujours de nous entendre, on verra bien », souligne Dominique Plancke. La mairie de Lille, représentée par Laurent Guyot, adjoint, a également prévu de rencontrer Viorel Costache ce lundi. Pas un luxe. « Les familles éparpillées du camp Napoléon sont à la rue sans la moindre ressource. »
13 juin 2015
Source : Nordéclair